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Récit de vie

Philibert Antoine Doret et Élise Marie Profit en région parisienne

Philibert et Élise naquirent à des centaines de kilomètres l’un de l’autre: lui en Saône-et-Loire et elle en Seine-et-Marne. Mais la vie les fit se rencontrer, le temps d’un mariage un peu trop court. Voici leur histoire.

Philibert et Élise naquirent à des centaines de kilomètres l’un de l’autre: lui en Saône-et-Loire et elle en Seine-et-Marne. Mais la vie les fit se rencontrer, le temps d’un mariage un peu trop court. Voici leur histoire.

Philibert Antoine Doret

Philibert voit le jour dans la citée ouvrière du Creusot, en Saône-et-Loire, le 19 avril 1861. Il passe les premières années de sa vie dans cette commune connue pour abriter les usines Schneider qui emploient de nombreux habitants de la commune, comme le père de notre Philibert. Mais la qualité de vie n’est probablement pas au rendez-vous, l’air étant chargé d’épaisses fumées provenant des usines. Peut-être est-ce d’ailleurs cette pollution atmosphérique qui entrainera la mort des frères et soeurs de Philibert. Il sera en effet le seul des six enfants de la fratrie à atteindre l’âge adultes, les autres étant tous décédés en bas-âge.

À la fin des années 1860, la famille Doret quitte alors Le Creusot pour tenter sa chance à Paris où François, le père de famille, deviendra doreur sur métaux. À leur arrivée, la famille s’installe 41 rue Beaubourg, dans le troisième arrondissement de la capitale. Mais la vie n’est pas plus joyeuse à la capitale à cette période. La ville est en effet marquée par l’occupation allemande pendant la guerre de 1870, puis arrive l’épisode de la Commune de Paris l’année suivante. Heureusement, la paix reviendra sur la ville. François, Françoise et leur fils unique Philibert auront survécu à cette période de troubles et reprendront peu à peu une vie normale dans la capitale. Ils resteront vivre dans le troisième arrondissement de Paris, quittant leur appartement au 41 rue Beaubourg pour un autre à quelques dizaines de mètres seulement, au 17 rue du Grenier Saint-Lazare.

À l’âge de vingt ans, nous retrouvons Philibert au tribunal correctionnel de la Seine. Grandir dans un climat de violence pendant la guerre Franco-Allemande puis la commune de Paris l’a t-il orienté vers la violence ? En tout cas, il s’est mis en tête de régler un problème de voisinage avec le couple Foucher, tenant une boutique. Le 15 octobre 1881 en effet, sans que l’on en sache les raisons, Philibert frappe l’époux et brise les carreaux de sa boutique. Lors du procès, son père François est également mis en cause mais aucun fait ne sera retenu contre lui. En revanche, Philibert est condamné à huit jours de prison et seize francs quatre-vingt quinze centimes d’amende. L’année suivante, durant l’été, Philibert est de nouveau convoqué au tribunal pour un procès, avec des faits un peu plus grave.  Avec un ami prénommé Jean Baptiste Degrez, âgé d’un an de plus et ouvrier emballeur, Philibert a eu un accrochage avec des agents de police: des insultes et des coups sont échangés. Lors du procès, Jean Baptiste est reconnu coupable de violences et voies de faits envers des agents de la force publique. Il est condamné à six mois de prison. Heureusement pour Philibert, seuls les faits d’outrages à agents seront retenus, il les aurait traité de lâches. Pour cela, un mois d’emprisonnement sera requis contre lui. 

Quelques mois après avoir effectué sa peine, Philibert doit effectuer son service militaire, ayant été reconnu apte au service. C’est donc le 13 novembre 1882 qu’il part pour le 114è régiment d’infanterie, qui caserne à Paris. Son service durera quatre ans pendant lesquels il deviendra caporal, puis sergent. Ses états de services seront exemplaires.

Élise Marie Profit

Élise Marie Profit voit le jour à quelques jours de la fin de l’année 1864, dans le petit village de Hondevilliers, en Seine-et-Marne. Elle est le troisième enfant d’une fratrie de quatre, dont seules les trois filles atteindront l’âge adulte. Ses ancêtres étaient ouvriers agricoles, cultivateurs ou charrons, métier qu’exerce alors son père Alexandre Profit. Sa mère, Louise Adeline Jacob, est quant à elle blanchisseuse. Élise passe ses premières années où elle est née, dans le petit hameau de Montcel, limitrophe du village de Hondevilliers.

Source: Cadastre Hondevillers – AD 77

C’est une période heureuse, la petite famille vivant de la terre dont ils sont propriétaires. Mais le couple a des problèmes, et Alexandre et Louise finissent par se séparer. Mais à l’époque, pas question de divorce. S’il a été brièvement autorisé après la Révolution Française et pendant la période du premier Empire, ce droit a cependant été aboli peu après. Il faudra attendre 1884 pour que divorcer soit de nouveau autorisé, grâce à une loi d’Alfred Naquet. Faute de divorce, les époux sont donc toujours mariés, mais vivent séparément. Alexandre, le père, part sur les routes de la région, travaillant de-ci de-là comme charon, tandis que sa femme Louise retourne vivre chez ses parents avec ses trois filles. Élise quitte donc le village de son enfance pour le hameau de Courcelles, à Jouarre, situé à une dizaine de kilomètres à l’est. Là-bas, elle s’installe donc avec sa mère, sa sœur aînée Louise et sa sœur cadette Prudence chez ses grands-parents maternels, des propriétaires terriens d’une cinquantaine d’années. La fillette grandi et se met à travailler comme couturière, tout comme ses deux sœurs. L’aînée de la fratrie sera la première à se marier, en 1885. Élise sera la suivante.

Un mariage trop court

Le mystère demeure sur la situation qui a permis qu’une jeune fille d’un village de Seine-et-Marne rencontre un jeune homme originaire de Bourgogne et résidant à Paris. Philibert est-il venu en Seine-et-Marne à l’occasion de son service militaire, qu’il a terminé quelques mois auparavant ? La jeune fille a t-elle eu l’occasion d’aller à Paris ? Avaient-ils des connaissances communes ? Pour l’instant aucun indice ne nous permet de résoudre le mystère des circonstances de la rencontre de Philibert et Élise. Quoi qu’il en soit, les deux jeunes gens se marient dans l’église de Jouarre, commune de la mariée, le 10 décembre 1887.

La grande place de Jouarre, avec son église. Source: Delcampe.net

Les parents de Philibert, François et Françoise, sont venus en Seine-et-Marne pour l’occasion. Le père d’Élise, qui travaille quant à lui à Coulommiers, ne peut être présent et donne son accord au mariage par acte notarié. Après le mariage, Philibert emmène sa jeune épouse à la capitale, où ils s’installent au numéro 37 de la rue de Montmorency dans le troisième arrondissement, à quelques centaines de mètres des parents de Philibert, qui résident toujours rue du Grenier Saint-Lazare. Si Philibert reprend son travail de doreur sur métaux, il est probable qu’Élise continue a travailler comme couturière afin d’arrondir les finances, le coût de la vie parisienne étant plus élevé qu’en campagne. Mais très vite, la jeune femme est enceinte. À quelques semaines du terme, elle rentre dans sa famille à Jouarre, pour accoucher avec l’aide de sa mère notamment. Elle passe donc quelques semaines dans son village d’enfance, résidant chez son grand-père maternel, Louis Jules Isidore Jacob, sa mère Louise Adeline et sa sœur cadette Prudence qui n’est pas encore mariée. Elle est ainsi bien entourée pour accoucher. C’est le 14 décembre 1888 qu’elle met au monde son premier enfant, une petite fille qu’elle prénommera Jeanne Henriette Antonine, ce dernier prénom étant en l’honneur de Philibert dont le second prénom est Antoine. Le lendemain, c’est Louis Jules Isidore, l’arrière-grand-père de la petite fille, qui se rend à la mairie du village pour déclarer la naissance. Il est accompagné  d’Onésime Désiré Eloy, le mari de Louise, la sœur aînée d’Élise. Après la naissance, Élise rentrera à Paris avec le bébé pour retrouver son mari. Elle retombera enceinte à peine deux mois plus tard et son second accouchement se fera cette fois-ci chez elle, à Paris. Le bébé est encore une fois une petite fille, à qui on donnera les prénoms de Lucie Albertine Armandine. Mais la vie de famille tournera court, puisqu’Élise tombe malade en 1891. Pour se remettre, elle retourne à Jouarre, chez sa mère, espérant que l’air de la campagne lui fera du bien. Mais elle meurt le 6 juillet, alors qu’elle n’a que 26 ans, laissant son époux veuf avec deux petites filles de deux et trois ans. Il est donc probable que Philibert envoie les deux enfants vivre dans la famille de sa femme en Seine-et-Marne, ou bien qu’il les confie à ses propres parents qui vivent tout près de chez lui. Il ne se remariera que six ans plus tard, en 1897, avec une jeune femme originaire de la Nièvre. Ils auront ensemble une petite fille qui décédera en bas-âge. Philibert lui, meurt le 22 avril 1919, à l’âge de 58 ans, sur la place de la République, probablement dans le cadre de son travail.

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